Un franchiseur aussi peut faire faillite
Le cas est plus rare que pour un franchisé bien sûr, dès lors que la franchise repose en principe sur la réitération d’un savoir-faire éprouvé.
Franchiser une activité suppose d’avoir réussi
Hélas, il arrive que le vent tourne. Croissance trop rapide, retournement de marché, fautes de gestion, un succès reste toujours fragile.
Le problème est que la faillite du franchiseur embarque tout son réseau dans des temps difficiles, souvent troubles. Leur capitaine du réseau abandonné, que deviennent les franchisés ?
Trois hypothèses méritent d’être évoquées, selon que leur contrat de franchise fera l’objet d’une transmission, d’une modification ou d’une disparition.
1. La transmission du contrat
Un contrat ne se transmet pas comme n’importe quel bien. Il requiert en particulier l’accord des franchisés.
Il convient en outre d’y insister : ce contrat lie le repreneur dans toutes ses obligations, la transmission ne devant pas se traduire par une déliquescence du réseau et par un bouleversement de l’économie globale du partenariat.
Pas de transmission sans consentement des franchisés
Les règles spécifiques du droit des procédures collectives ne semblent pas pouvoir paralyser l’exigence d’un consentement du contractant cédé. Certes, la cession judiciaire d’une entreprise est alors permise. Et le code prévoit que le tribunal détermine les contrats de fourniture de biens ou de services nécessaires au maintien de l’activité. Or, le contrat de franchise est souvent nécessaire au maintien de l’activité du franchisé et du franchiseur. Mais certains juges ont clairement posé que, dans le cas où c’est le franchiseur qui faisait l’objet d’une liquidation judiciaire, que le contrat de franchise est « incessible par nature, sauf à méconnaître son objet », celui-ci étant « la mise à disposition du franchisé d’un savoir-faire original, substantiel et secret du franchiseur, qu’il est, par hypothèse, seul en mesure de transmettre », de sorte que le contrat ne peut être transmis qu’avec l’accord des franchisés (CA Orléans, 14 sept. 2000, D. 2001, 1017, note Y. Marot).
Simple application du droit commun du reste. Lequel permet, il faut évidemment le rappeler, la stipulation de clauses prévoyant l’accord des franchisés d’emblée, dès la conclusion du contrat de franchise.
Dans trois décisions du 3 juillet 2024, le Tribunal de commerce de Paris a toutefois bien rappelé qu’il ne suffit pas que la société détenant la marque dont le franchiseur assurait la jouissance au profit des franchisés poursuive cette mise à disposition après la liquidation judiciaire de la société franchiseur pour devenir elle-même franchiseur (TC Paris, 3 juillet 2024, n° RG 2024013504, n° RG 2024013535, n° J2024000335).
Pas de transmission sans maintien des conditions
A supposer les contrats de franchise régulièrement transmis, ils se poursuivent.
C’est une évidence : un contrat transmis est un contrat qui persévère dans son être, c’est un contrat qui survit à l’un de ses cocontractants.
Partant, toutes les obligations du franchiseur doivent être respectées :
- Même réseau
- Mêmes conditions
- Même économie.
Cela pose souvent problème en cas de rachat d’un réseau par un concurrent…
2. Le changement du contrat
La faillite du franchiseur peut aboutir au changement de contrat soit afin d’exploiter la même marque, soit afin d’exploiter une autre marque.
Pour exploiter la même marque
C’est l’hypothèse évoquée ci-dessus. Lorsque le franchiseur n’était pas propriétaire de la marque sous la bannière de laquelle le réseau exploitait son activité, ledit propriétaire peut conclure un contrat avec les franchisés qui restent.
Ce contrat peut n’être qu’une licence de marque.
Attention : il ne s’agira pas forcément en effet d’un nouveau contrat de franchise.
Pour exploiter une autre marque
Les franchisés peuvent aussi vouloir changer d’enseigne.
Question : les clauses restrictives de concurrence stipulées dans le contrat de franchise s’opposent-elles à cette reconversion ?
Par hypothèse, le franchiseur n’existe plus et n’a donc plus d’intérêt à demander l’application de ces clauses.
Quant à la société titulaire de la marque, le tribunal de commerce de Paris, dans les trois jugements évoqués ci-dessus a clairement pris parti : non, cette société n’étant pas partie au contrat de franchise, elle ne peut en demander le bénéfice !
Il faut bien favoriser la reconversion des franchisés.
3. La disparition du contrat
Enfin, la faillite du franchiseur peut aussi être l’occasion de recouvrer sa pleine indépendance.
La franchise aura permis d’engranger une expérience que l’ancien franchisé mettra à profit dans une nouvelle aventure…