Zoom 13 – Locataires, la force majeure est-elle avec vous ?

La question qui se pose est la suivante : la fermeture ordonnée par le gouvernement rend-elle impossible l’obligation du preneur d’avoir à payer ses loyers ? Certains auteurs continuent de soutenir de manière générale et abstraite qu’aucune impossibilité de payer ne peut être retenue au motif qu’il n’est jamais matériellement impossible de payer tant que la monnaie existe. L’analyse postule le rejet de ce que l’on appelle parfois la force majeure économique. Cependant, le droit positif n’est pas si net.

Certes, la Cour de cassation a rendu le 16 septembre 2014 un arrêt dont il suit que « le débiteur d’une obligation contractuelle de somme d’argent inexécutée ne peut s’exonérer de cette obligation en invoquant un cas de force majeure ». Cette formulation est toutefois beaucoup trop abrupte. La doctrine demeure partagée et la jurisprudence beaucoup plus nuancée. Ainsi la Cour de cassation a-t-elle déjà admis, dans un arrêt du 9 juillet 2013, qu’une décision administrative ayant pour effet de rendre impossible la réinstallation d’un commerce dans une zone peut constituer un cas de force majeure.

Cette divergence au sein de la jurisprudence montre à quel point la notion de force majeure est complexe et peut varier en fonction des circonstances. Pour les professionnels du droit, mais aussi pour les locataires et les franchisés, il est crucial de comprendre ces nuances afin de se préparer aux éventualités où la force majeure pourrait être invoquée. En particulier, les franchisés doivent être conscients des implications potentielles sur leurs contrats, surtout dans des périodes d’incertitude économique ou de crise.

Et la Cour d’appel de Paris vient de rendre une décision très intéressante. Datée du 9 décembre 2020, elle affirme dans un attendu qui ne manquera pas de retenir l’attention des locataires : « Si à l’évidence la force majeure – dont les effets sont la suspension et non la réduction de l’obligation ou la résiliation du contrat – ne peut être retenue s’agissant des manifestations des « gilets jaunes » qui n’ont eu lieu qu’un jour par semaine et de la grève des transports qui n’entravait pas toute liberté d’aller et venir, la fermeture totale du commerce de la société X dans le cadre de l’état d’urgence sanitaire et du confinement est susceptible de revêtir le caractère de la force majeure, si bien qu’il existe une contestation sérieuse quant à l’exigibilité des seuls loyers courant à compter du 11 mars 2020 » (CA Paris, 9 décembre 2020, n° 20/05041).

Ce jugement ouvre de nouvelles perspectives pour les locataires et les franchisés, qui pourraient voir dans la force majeure une protection juridique viable en cas de perturbations majeures comme celles causées par des pandémies ou des crises sociales. Pour ceux qui envisagent d’être franchisé ou qui le sont déjà, il est essentiel de comprendre comment des événements imprévus peuvent affecter leurs obligations contractuelles, notamment en matière de loyers et d’autres engagements financiers. La reconnaissance de la force majeure dans des cas comme celui-ci pourrait offrir un certain répit en période de difficulté économique.

Une porte s’ouvre…

En conclusion, bien que la jurisprudence concernant la force majeure soit encore en évolution, il est important pour les franchisés et les locataires de rester informés et de consulter des experts juridiques pour bien comprendre leurs droits et obligations en cas d’événements imprévus. La force majeure pourrait, dans certains cas, offrir une protection cruciale pour maintenir la viabilité de leur entreprise en période de crise.