Mise au point sur les redevances publicitaires

Tout franchiseur doit promouvoir son réseau. Il est donc tenu d’entreprendre des actions publicitaires régulièrement. Comment les financer néanmoins?
 
La plupart du temps, le contrat de franchise met à la charge des franchisés une redevance dite publicitaire, ou de communication, dont le montant correspond généralement à 1 ou 2% du chiffre d’affaires mensuel.

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Redevances publicitaires à verser aux franchiseurs

En théorie, les choses sont claires : tous les mois, les franchisés versent une somme dans le but de financer des actions de publicité au niveau national ou régional. En pratique, il convient toutefois précisément que les choses soient claires : la redevance publicité sert à financer la publicité, mais elle ne doit servir qu’à cela ! Cependant, comment le vérifier ? Le franchiseur doit nécessairement rendre compte.

Les franchisés veulent vérifier l’utilisation de cette redevance publicitaire

Le problème alimente un contentieux de plus en plus abondant. les franchisés exigent de plus en plus une véritable transparence de leurs cocontractants. Ils paient, donc ils doivent voir ! Certains contrats imposent au franchiseur l’ouverture d’un compte bancaire dédié aux actions publicitaires. L’idée est bonne. Elle demeure toutefois insuffisante. Tous les ans, le franchiseur doit communiquer à ses franchisés un état justifié de ses dépenses publicitaires. A défaut, le franchiseur est en droit de solliciter cet état, factures et contrats à l’appui. Une somme est remise dans un but particulier. Partant, le moindre détournement est susceptible de relever de l’abus de confiance, lequel est précisément défini par le code pénal comme « le fait par une personne de détourner, au préjudice d’autrui, des fonds, des valeurs ou un bien quelconque qui lui ont été remis et qu’elle a acceptées à charge de les rendre, de les représenter ou d’en faire un usage déterminé. L’abus de confiance est puni de trois ans d’emprisonnement et de 375.000 euros d’amende » (C. pén., art. 314-1).

Pour ceux qui choisissent d’être franchisé dans un réseau, il est crucial de comprendre comment ces redevances sont gérées. Non seulement cela permet de s’assurer que les fonds sont utilisés de manière efficace, mais cela garantit également que chaque franchisé bénéficie équitablement des actions publicitaires financées par ces redevances.

A s’en tenir au droit civil, quelles sont les sanctions qu’un franchisé est fondé à réclamer afin de pallier l’opacité de son franchiseur. Le cabinet a récemment obtenu une décision du tribunal de commerce qui applique deux sanctions cumulatives : non seulement la restitution d’une partie des redevances versées, mais aussi le séquestre des redevances futures (TC Paris, 1chambre, 12 octobre 2021, n° RG 2020/0000353).

La restitution des redevances passées

Si le franchiseur n’a pas utilisé l’ensemble des sommes versées par les franchisés au titre de la publicité, il doit les restituer. Rien de plus logique. Encore faut-il déterminer l’existence du trop-perçu et ne pas en assurer la réaffectation au budget publicitaire du franchiseur.

L’existence d’un trop perçu

Bien entendu, tout dépend de la rédaction du contrat. En général, les redevances publicitaires mises à la charge des franchisés sont néanmoins affectées à des actions d’envergure nationale, les franchisés étant libres de dépenser en plus au niveau local. Il convient dès lors de vérifier que le montant total perçu par le franchiseur au titre des redevances publicitaires a bien été utilisé à des fins publicitaires d’une part, nationales d’autre part.

Dans son jugement du 12 octobre 2021, le Tribunal de commerce de Paris s’est livré à un travail extrêmement minutieux afin de vérifier ces deux caractères des dépenses alléguées par le franchiseur. Sur ce point, son jugement est un modèle méthodologique. De nombreuses dépenses présentées comme publicitaires ou nationales par le franchiseur sont stigmatisées : certaines relevaient plutôt du marketing, d’autres du fonctionnement interne du réseau, d’autres encore de dépenses d’ores et déjà couvertes par les redevances de franchise.

L’absence d’une réaffectation

Le trop-perçu n’étant pas douteux, le franchiseur peut-il arguer qu’une clause du contrat lui permettait de l’affecter pour les années suivantes ? L’argument a ses limites. Si la réaffectation d’un trop-perçu en année N se conçoit pour l’année N+1, cela ne saurait aller au-delà. Là encore, le jugement du 12 octobre l’a fort bien compris. Après avoir rappelé que le franchiseur faisait valoir que la clause de report stipulée dans le contrat de franchise permettait de reporter tout écart entre redevances et dépenses constaté non pas sur la seule année suivante mais d’année en année sans limitation dans le temps, le tribunal balaie toutefois un argument qui « ne saurait être retenu ; en effet, à pousser le raisonnement (…) à l’extrême, (le franchiseur) pourrait ainsi facturer des redevances supérieures aux dépenses pendant toute la durée d’un contrat de franchise en se prévalant de la clause de report » et, « de toute évidence, telle n’est pas la commune intention des parties » (TC Paris, 12 oct. 2021, spéc. p. 23).

C’est une leçon plus générale à l’attention de tous les rédacteurs de contrats de franchise : inutile de prévoir un report permettant au franchiseur de se constituer une caisse noire dont il serait libre d’utiliser le contenu quand bon lui semble !

Le séquestre des redevances futures

Un franchisé qui paie sans savoir au juste pourquoi n’est-il pas fondé à suspendre le paiement de ses redevances publicitaires ? Dans l’affaire ayant donné lieu au jugement du 12 octobre 2021, le franchisé le soutenait et demandait la suspension du paiement de ses redevances publicitaires tant que le franchiseur ne justifierait pas de l’ouverture du compte bancaire dédié à la publicité qui était prévue dans le contrat et tant qu’il ne fournirait pas tous les ans au plus tard le 31 janvier l’ensemble des justificatifs liés aux actions entreprises au titre de la publicité nationale. C’était en effet le meilleur moyen pour contraindre le franchiseur d’exécuter son obligation de rendre compte et, peut-on dire, son devoir de transparence et de loyauté.

Le Tribunal a suivi le raisonnement et a ordonné le séquestre des redevances de publicité nationale due au franchiseur tant que ce dernier ne rapportera pas la preuve d’avoir ouvert un compte bancaire dédié à la publicité nationale, et qu’il ne fournira pas au plus tard le 31 janvier de chaque année et pour la première fois le 31 janvier 2022, au titre de l’année précédente : la totalité des relevés du compte bancaire dédié, le détail des redevances versées par les franchisés et succursales du réseau, l’ensemble des factures de dépenses de publicité nationale classées par type d’action et pour chaque type d’action les éléments précis justifiant qu’il correspond à des actions de publicité nationale.

Voilà donc un franchiseur sommé d’être transparent et de ne plus confondre les redevances de publicité avec une espèce de rente de situation.

En définitive, la gestion des redevances publicitaires est un élément clé pour le maintien de la confiance entre franchisés et franchiseurs. Cette transparence, lorsqu’elle est correctement mise en œuvre, contribue à renforcer l’efficacité du réseau de franchise et à garantir que les investissements publicitaires profitent équitablement à tous les membres du réseau. Pour les franchisés, s’assurer que les termes de ces redevances sont clairement définis et respectés est une partie essentielle de leur succès continu.

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