Annulation du Contrat de Franchise

Quand peut-on dire qu’un franchisé a été trompé ?
 
Apparemment, les choses sont simples puisque la loi prévoit une liste d’informations que le franchiseur doit remettre, vingt jours au moins avant la conclusion du contrat, aux candidats à l’intégration de son réseau.
 
Seulement cette loi ne prévoit pas tout. Elle dépend au surplus de la manière dont les juges entendent l’appliquer. Certaines décisions font preuve d’un tel pédagogisme qu’elles méritent d’être largement diffusées.

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Tel est le cas des quatre arrêts rendus le 3 mars 2022 par la Cour d’appel de Grenoble. Quatre franchisés exploitant leur activité dans le secteur des soins esthétiques obtiennent gain de cause en ayant démontré qu’ils avaient été trompés sur toute la ligne par un franchiseur peu scrupuleux.

Soigneusement motivées, ces quatre décisions de justice délivrent une leçon de droit que tous les franchiseurs devraient méditer: on ne badine pas avec l’exigence de transparence!

Cette affaire illustre parfaitement l’importance de la vigilance pour ceux qui envisagent d’ĂŞtre franchisĂ©. La transparence et l’honnĂŞtetĂ© sont des piliers essentiels pour Ă©tablir une relation de confiance entre franchisĂ© et franchiseur. Sans ces Ă©lĂ©ments, le risque de malentendus ou de tromperies est amplifiĂ©, ce qui peut avoir des consĂ©quences graves sur la viabilitĂ© de l’activitĂ© franchisĂ©e.

C’est du reste aussi une leçon de bon sens : il n’est nul secret que le temps n’ébruite…

Le Contrat de Franchise

Ce modèle de contrat s’applique dans tous les secteurs et dans tous les mĂ©tiers. Avec le conseil du cabinet BMGB, restez vigilant avant de signer un contrat qui engage sur plusieurs annĂ©es…

Annulation du contrat de franchise, 3 exemples de tromperies

Ces quatre décisions invitent en effet à examiner trois types de tromperies.

La tromperie sur le titre du contrat

D’abord, la Cour d’appel rappelle cette grande vĂ©ritĂ© qu’aucun contractant ne saurait oublier : le titre d’un contrat n’a pas la moindre force contraignante. Ce titre ne lie pas le juge qui doit s’en remettre Ă  ce qu’ont voulu faire les parties, c’est tout. Il importait peu en l’espèce que le contrat s’intitule «licence de marque». Dès lors qu’il prĂ©voyait la transmission d’un savoir-faire et une obligation d’assistance, c’était un contrat de franchise. Au demeurant, cela n’avait pas d’incidence dans la mesure oĂą la tĂŞte d’un rĂ©seau est tenue d’une obligation de transparence toutes les fois qu’elle met Ă  disposition de ses partenaires des signes distinctifs de ralliement de la clientèle et qu’elle exige d’eux une exclusivitĂ© ou une quasi-exclusivitĂ©, ce qui Ă©tait bien le cas ici.

La tromperie sur la rentabilité de l’activité

Ensuite, et surtout, la Cour d’appel prend soin de relever l’ensemble des lacunes et des travers du document d’information qui avait clairement pour but d’induire en erreur les candidats.

Pas d’état local du marchĂ© par exemple ! L’annexe consacrĂ©e Ă  cet Ă©tat Ă©tait restĂ©e vierge. Or, si le franchiseur n’est pas tenu de rĂ©aliser une Ă©tude de marchĂ©, il est bien tenu, rappellent les magistrats, de prĂ©senter un Ă©tat du marchĂ© local du produit concernĂ©. La Cour va d’ailleurs plus loin en prĂ©cisant qu’il revient au franchiseur de communiquer «des donnĂ©es spĂ©cifiques au lieu d’implantation envisagĂ© tels le nombre d’habitants, la composition de la clientèle selon des critères pertinents par rapport Ă  l’objet de la franchise, la liste des concurrents dans la zone d’implantation et les performances du rĂ©seau au regard de celles des concurrents». Certes, il peut en aller autrement lorsque le candidat connaĂ®t très bien la zone. Mais la Cour prend soin de le relever : c’est au franchiseur de le montrer, ce qu’il ne faisait pas ici. Mais ce n’est pas tout. La prĂ©sentation de l’évolution et de l’expĂ©rience professionnelle du franchiseur Ă©tait tendancieuse en ce qu’elle passait sous silence de prĂ©cĂ©dentes expĂ©riences malheureuses. Par ailleurs, alors que le document d’information prĂ©contractuelle doit prĂ©senter le rĂ©seau d’exploitants, il «ne mentionnait ni le nom, ni l’adresse des entreprises Ă©tablies en France, ni leur mode d’exploitation, ni la date de conclusion ou de renouvellement de leurs contrats», de sorte qu’il ne permettait pas au candidat de prendre contact avec les franchisĂ©s du rĂ©seau pour recueillir leur avis et des informations sur le service proposĂ©, leur expĂ©rience professionnelle et la pĂ©rennitĂ© de l’activitĂ©.

Tout était fait pour que les franchisés se méprennent sur la rentabilité de leur future activité. Le franchiseur avait même intégré dans le document d’information remis aux franchisés des chiffres prévisionnels irréalistes. Dès lors qu’aucune faute de gestion ne pouvait être reprochée aux franchisés, l’écart important avec les chiffres réalisés par ces derniers suffisait à établir la faute du franchiseur.

La tromperie sur la méthode franchisée

Enfin, les quatre arrêts de la Cour d’appel de Grenoble mettent en avant une donnée intéressante plus inhabituelle. Le franchiseur avait en effet bâti son concept sur une méthode dont la légalité était douteuse. Or, la seule existence d’un doute sur cette légalité ne pouvait être acceptée. Le franchisé entend exploiter un concept conforme à la loi, c’est bien le minimum. Qu’il existe un simple doute sur la question, son consentement n’aura pas été donné de manière éclairée, ce qui justifie l’annulation du contrat de plus fort.

Il est crucial pour chaque franchisĂ© de s’assurer que le concept proposĂ© par le franchiseur est non seulement rentable, mais aussi conforme Ă  la lĂ©gislation en vigueur. Cela permet d’Ă©viter des litiges juridiques qui pourraient survenir en raison d’une mĂ©thode non validĂ©e lĂ©galement, assurant ainsi une exploitation sereine de la franchise.

Il faut louer le pragmatisme de ces quatre décisions qui reposent sur une approche concrète de la franchise, soucieuse des réalités économiques.

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