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La Prudence en Franchise: clé de voûte des relations Franchiseur-Franchisé

C’est toujours le même refrain : un franchisé doit être prudent, chacun est le meilleur gardien de ses intérêts, c’est à chacun de faire ses projections, etc. etc.

La chanson a beau être connue, elle reste très agaçante par sa condescendance. Croit-on vraiment qu’une personne engageant son temps, son argent et souvent sa famille dans un projet entrepreneurial le fasse à la légère, benoîtement ? Cela peut arriver mais restons sérieux : la franchise n’attire pas beaucoup de poètes totalement déconnectés des réalités.

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Au Franchiseur d’être Prudent !

(obs. sous TC Lyon, 13 déc. 2023, n° RG 2023J719) !

La prudence est de mise pour les Franchiseurs aussi

Une prudence partagée : contexte et enjeu

Surtout, il ne faut pas oublier qu’un franchiseur prétend apporter les clés d’une réussite, un concept prêt à l’emploi et dont la réitération est de nature à permettre aux franchisés de développer une activité rentable. Aucune assurance bien sûr, mais une promesse tout de même, un discours à tout le moins. C’est dès lors au franchiseur de rester prudent dans les perspectives qu’il fait miroiter à ceux qu’il entend séduire, qu’il souhaite intégrer dans son réseau.

L’Étude de cas du tribunal de commerce de Lyon

Le tribunal de commerce de Lyon le rappelle fort justement dans un jugement du 13 décembre 2023. De prime abord, celui-ci se borne à rappeler une règle connue de longue date et désormais bien assise : si le franchiseur n’est pas tenu de fournir un compte d’exploitation prévisionnel au candidat à la franchise, les chiffres prévisionnels qu’il décide de communiquer doivent être réalistes. A y regarder de plus près, sa motivation est néanmoins plus précise et partant, beaucoup plus intéressante.

L’obligation de réalisme et de sincérité

Car le tribunal y insiste : les chiffres prévisionnels qu’un franchiseur décide de communiquer doivent être «cohérents, sincères, susceptibles de faciliter la compréhension du franchisé et de lui permettre d’apprécier la rentabilité de sa future activité, qui comprend un droit d’entrée».

Or, en l’espèce, relève-t-il, le compte d’exploitation « estimatif » qui figurait dans la plaquette remise au candidat à l’intégration d’un jeune réseau avait été communiquée « sans précaution suffisante ». Et d’expliquer : « les agrégats fournis sont exagérément optimistes, transmis sans véritable recul, dans le contexte d’un concept de franchise déployé récemment ».

De fait, cette plaquette de présentation et le document d’information précontractuel transmis par le franchiseur faisaient notamment apparaître des chiffres d’affaires de l’ordre de 240.000 €, 400.000 € et 600.000 € pour les trois premières années d’activité, très loin des chiffres réalisés par le franchisé (92.500 € en première année et 100.000 € la seconde), outre des taux de rentabilité très optimistes. Aucune faute de gestion ne pouvant être reprochée au franchisé, celui-ci avait bel et bien été trompé.

Conséquences juridiques d’une communication imprudente

Nullité du contrat de franchise donc, avec toutes les conséquences au profit du franchisé lésé, à savoir : restitution du droit d’entrée et des redevances indument versés, indemnisation liée à l’absence de rémunération perçue pendant la durée d’exécution du contrat ainsi qu’au montant du capital restant dû au titre du prêt souscrit pour l’activité.

Réflexions finales sur la prudence en Franchise

Une telle décision mérite d’être diffusée.

D’abord parce qu’il n’est jamais facile d’obtenir l’annulation d’un contrat, les juges étant plutôt sujets à une espèce de tropisme qui les porte à considérer qu’un contrat conclu est un contrat valable.

Ensuite, parce qu’il est important de rappeler que la prudence s’impose avant tout aux franchiseurs. C’est du reste une simple question de cohérence : lorsqu’un personne se vante de disposer d’un concept rentable et propose à autrui de le diffuser, il faut qu’elle lui transmette des informations objectives, raisonnables qui permettent de s’engager en pleine connaissance de cause.

Ne pas inverser les rôles en somme. Sans doute le candidat à la franchise doit rester vigilant et curieux. Les chiffres qui lui sont donnés ont-ils déjà été réalisés par une ou plusieurs unités du réseau et si oui, dans quelles circonstances ? S’agit-il de chiffres et de ratios liés à une exploitation en centre-ville ou en centre commercial ? Etc.

Cependant, il ne faut pas oublier que s’il s’adresse à un franchiseur, c’est précisément pour bénéficier de l’expérience d’autrui. Il paie pour gagner du temps et de l’information. Le nier, c’est méconnaître la réalité de la franchise.

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