La cour d’appel de Paris vient de le rappeler dans un arrêt du 16 novembre 2022.
Dans cette affaire, le franchisé d’une enseigne de vente d’articles d’occasion souhaitait ouvrir un autre point de vente dans sa zone de chalandise. Les discussions menées avec le franchiseur avaient toutefois tourné court, celui-ci n’ayant pas voulu agréer le local présenté ni les modifications contractuelles proposées. Ses perspectives de développement ainsi bouchées, le franchisé avait alors décidé de quitter le réseau en invoquant une clause du contrat de franchise libellée comme suit : « Dans l’hypothèse où le contrat de franchise serait rompu du fait du franchisé, y compris dans l’hypothèse de la perte du droit au bail avant l’échéance, le franchisé s’engage à payer au franchiseur une somme destinée à compenser le manque à gagner du franchiseur. Cette somme sera égale au montant des dernières redevances permanentes dues au cours des douze derniers mois par le franchisé au franchiseur multipliée par le nombre d’années (et de mois au prorata) restant à courir jusqu’à l’échéance prévue à l’article 2 des présentes. En tout état de cause, cette somme ne saurait être inférieure à € 30.000 (trente mille euros) ». Il avait payé une somme correspondant aux modalités prévues et s’en tenait quitte.
Pas du tout, rétorquait le franchiseur. Cette clause ne permettait nullement au franchisé de résilier le contrat avant l’échéance de son terme, mais ne se bornait à stipuler une clause pénale en cas de rupture fautive du contrat par le franchisé.
Cette affaire met en lumière l’importance cruciale de bien comprendre les termes d’un contrat de franchise avant de s’engager, en particulier les clauses relatives à la résiliation anticipée. Les franchisés doivent être vigilants quant aux obligations financières qui subsistent même après la résiliation du contrat, car celles-ci peuvent avoir un impact significatif sur leur capacité à se retirer du réseau sans subir de lourdes pertes. Dans certains cas, il peut être nécessaire de quitter le réseau de franchise pour explorer d’autres opportunités commerciales ou simplement pour mettre fin à une relation devenue insatisfaisante.
L’analyse est pourtant balayée par la cour d’appel de Paris. Les juges considèrent à juste titre que cet article contractuel avait vocation à s’appliquer dans toutes les hypothèses où le contrat était rompu « du fait du franchisé », ce qui recouvre au sens littéral l’ensemble des situations où la rupture est la conséquence d’un fait émanant du franchisé, qu’il soit fautif ou fortuit, volontaire ou involontaire. Il faut dire que la clause visait expressément au moins une hypothèse dans laquelle elle s’appliquait alors même que la rupture du contrat ne pouvait être reprochée au franchisé, comme l’a bien relevé la cour d’appel de Paris : « ce sens littéral est corroboré par l’exemple de cas d’application de l’article renseigné par son rédacteur : « y compris dans l’hypothèse de la perte du droit au bail avant l’échéance », perte qui peut notamment résulter d’un congé avec refus de renouvellement, indépendamment de toute faute du preneur ». De sorte qu’il était exclu que le « fait du franchisé » soit synonyme de faute du franchisé comme le soutenait le franchiseur.
De manière plus générale, le franchiseur ne peut tirer parti de la moindre ambiguïté d’un contrat qu’il avait lui-même rédigé. Le Code civil est formel : quand un contrat est rédigé par l’une des parties, le moindre doute doit tourner au profit de l’autre, qui n’a fait qu’y souscrire. C’est évidemment le cas en matière de franchise : lorsque le contrat de franchise n’est pas clair, il doit s’interpréter en faveur du franchisé.
Cette décision illustre parfaitement que les juges ne sont pas dupes des ambiguïtés contractuelles qui peuvent être exploitées par les franchiseurs pour dissuader les franchisés de quitter le réseau. En cas de doute, les tribunaux tendent à interpréter les clauses contractuelles en faveur du franchisé, surtout lorsque le contrat a été rédigé unilatéralement par le franchiseur. Cela souligne l’importance pour les franchisés de bien comprendre leurs droits et de consulter des experts juridiques avant de prendre des décisions significatives comme la résiliation d’un contrat.
Attention néanmoins : chaque contrat doit être examiné avec soin, au cas par cas. En général, le contrat n’offre pas au franchisé une telle porte de sortie. La rupture avant terme peut se concevoir mais il conviendra d’établir une faute grave du franchiseur. A défaut, la responsabilité du franchisé pourrait être mise en œuvre. De nombreux contrats prévoient alors le paiement minimum d’une indemnité égale au montant des redevances restant à courir jusqu’au terme du contrat. C’est contestable. Par définition, les redevances de franchise rémunèrent la jouissance de signes distinctifs et la prestation de services de la part du franchiseur, en particulier son assistance technique et commerciale. Le contrat rompu, ces contreparties disparaissent et les redevances n’ont plus lieu d’être.
Il n’en demeure pas moins que la sortie d’un réseau implique d’autres coûts, plus ou moins directs. Une clause de non-concurrence implique-t-elle un changement de local ? Prévoit-elle une indemnité en cas de violation ? Quels seront les frais occasionnés par un changement d’enseigne, de mobilier, d’agencement ?
Avant de prendre la décision de quitter un réseau de franchise, il est impératif de considérer tous les aspects financiers et juridiques associés. Les franchisés doivent évaluer les coûts de sortie, y compris les éventuelles pénalités, les clauses de non-concurrence, et les frais de réaménagement. En outre, une planification soigneuse est nécessaire pour minimiser les perturbations et maximiser les chances de succès dans de nouvelles entreprises indépendantes ou au sein d’un autre réseau.
Il faut absolument considérer l’ensemble des tenants et aboutissants de la question avant de prendre sa décision.